L'ensemble peint de la crypte Sainte-Catherine est lacunaire : la voûte de la nef devait à l'origine être ornée d'un cycle apocalyptique dont il reste des lambeaux (scènes 4, 5 et 6 Agneau, Vieillards de l'Apocalypse). Cet ensemble est révélateur d'une période de transition, par son iconographie et par son style :
- d'une part, apparaît un Couronnement de la Vierge avec l'Enfant et une iconographie hagiographique (vie de sainte Catherine d'Alexandrie qui tient non pas l'anneau mystique ou la roue de torture, mais le globe surmonté d'une croix : voir bibliographie, W.M. Hinkle) qui annonce celle de l'époque gothique ;
- d'autre part apparaît le caractère ambivalent du style : la manière romane, monumentale (larges drapés stylisés) et une manière ornementale qui s'exprime dans certains plissés. Par ailleurs, des éléments de costume, comme les manches des deux saintes, sont très datés (fin 12e, début 13e siècle).
Il est donc un témoin précieux de la peinture murale de la dernière période romane où se manifestent déjà des traits gothiques.
Les peintures murales se trouvent sur la voûte en cul-de-four et le mur en hémicycle de l'abside ; sur la voûte en plein cintre de la nef, dans la partie la plus proche de l'abside.
La couche picturale est d'une façon générale usée, écaillée. Le mortier est gondolé. Les rehauts ont disparu par endroit.
Les peintures de la voûte de la nef sont lacunaires ; la scène 5 a été déposée et se trouve maintenant aux Monuments français [en 2016 dans les réserves du musée de Montmorillon]. Il ne subsiste que le mortier.
Au mur sud de la nef a été percée une porte ; la peinture et le mortier ont disparu et mettent à nu l'appareillage du support.
La scène 4 a perdu une grande partie de ses rehauts et la couche picturale est usée.
Repeints de la fin du Moyen Âge.
Restauration en 1966 par Marcel Nicaud : " nettoyage de champignons microscopiques, traitement fongicide [...]. Enlèvement des vieux enduits, nettoyage de tous les trous, durcissement des bords de mortier, solins, pose d'enduits de lacune en conservation des moindres traces d'enduits peints, le tout au mortier de chaux grasse ; petites injections [...] localisées et toutes consolidations nécessaires [...] Patines peintes pour camouflage des nouveaux enduits et préservation harmonieuse ".
La couche picturale est passée à fresque sur un enduit de mortier fait de sable assez fin et de chaux. On ne distingue pas de couche intermédiaire au lait de chaux. Sur la couche picturale passée à fresque ont été peints a tempera des rehauts.
On remarque des repeints sous forme de traits bruns (flammes scène 3) et aussi sur le visage de sainte Catherine (scène 1), de même couleur brune, qui correspond, d'après le rapport de M. Nicaud, " à une réaction chimique des pigments de sels de plomb et d'arsenic, le mélange de blanc et d'orange vif donnant une " carnation " difficile à obtenir avec de l'ocre.
Les scènes représentées glorifient la Vierge et sainte Catherine d'Alexandrie, par sa vie et son couronnement ; un cycle apocalyptique, fragmentaire, est joint à ce premier ensemble.
Abside :
- scène 1 : Vierge à l'Enfant couronnée par deux anges et entourée de six saintes ; sainte Catherine est couronnée par l'Enfant
- scène 2 : dispute de sainte Catherine avec les docteurs païens
- scène 3 : martyre des docteurs convertis
- scène 4 : l'Agneau de Dieu
- scène 5 : vieillards de l'Apocalypse scène déposée
- Scène 6 : vieillards de l'Apocalypse.
Décor
Les bordures soulignent les éléments d'architecture du support, encadrent les scènes et organisent le décor.
Une double bande ocre jaune et rouge, pastillée, suit le ressaut existant entre le cul-de-four de l'abside et la voûte en plein cintre de la nef. Ce ressaut est lui-même couvert d'un lait de chaux couvert de filets bruns.
La même double bande pastillée organise le décor de la voûte, encadrant les scènes 4, 5 et 6. Une bordure lacunaire délimite le décor du mur en hémicycle à 120 cm du sol.
Enfin, la mandorle qui entoure la Vierge (scène 1), faite de bandes parallèles et de vaguelettes, ordonne tout le décor de la voûte de l'abside alors que la gloire de l'Agneau (scène 4 : bandes concentriques) est déjà intégrée et encadrée par le carré de doubles bandes pastillées.
Scène 1 : Vierge à l'Enfant couronnée par deux anges et entourée de six saintes ; sainte Catherine est couronnée par l'Enfant
La Vierge est assise de face, les pieds chaussés reposant sur une scabellum, la tête tournée vers la droite ; elle embrasse la main gauche de l'Enfant appuyé contre son bras droit. Elle est vêtue d'une longue tunique blanche, d'un bliaud plus court, galonné, et d'un long voile qui tombe jusqu'aux genoux en couvrant le cou. L'Enfant porte une tunique courte et un pallium noué à la taille. Le groupe est assis sur un siège dont les accoudoirs forment des volutes et dont la base repose sur un socle orné d'une arcature. Deux anges en vol couronnent ce groupe.
Les six femmes nimbées sont debout, de face ou de trois quarts, le regard dirigé vers le groupe central. On n'aperçoit plus des deux femmes de droite que leur buste. Les deux saintes à l'extrême droite portent une couronne à la main. Toutes sont vêtues de longues tuniques qui descendent jusqu'aux pieds en drapé souple, des bliauds plus courts attachés à la ceinture et un manteau qui couvre la tête (sauf les deux saintes de part et d'autre de la Vierge, dont on voit les longues tresses) et s'enroule autour du cou. Seule, la sainte à droite du groupe central est vêtue d'une robe ajustée aux manches larges, que l'on retrouve au vêtement de sainte Catherine. Entre chacune de ces femmes sont peints quatre vases semblables, à la panse circulaire. Sainte Catherine est tournée vers le groupe central. L'Enfant se penche vers elle et pose une couronne sur sa tête. Elle tient un objet rond dans la main droite, dont l'identification fait problème (cf. W.M. Hinkle).
Scène 2 : dispute de sainte Catherine avec les docteurs païens
La scène est organisée par une architecture en deux parties : à droite, deux colonnes avec chapiteaux supportent un entablement brisé en trois pans, surmonté de bâtiments aux toits en bâtière ; en-dessous se trouve le groupe de docteurs païens ; à gauche, l'autre partie de l'architecture supporte deux éléments courbes ornés de trois clochetons. La sainte, de profil, pointe le doigt en l'air et de la main gauche tient fermement une croix ; on devine un personnage derrière elle (?). La sainte s'adresse au groupe et écoute en même temps les conseils prodigués par la colombe [du Saint-Esprit] en vol, contre son oreille droite.
Les personnages qui l'écoutent sont vingt-deux ; ils sont assis et tournés vers la sainte ; leurs cheveux sont longs, leur visage barbu. Ils montrent à la sainte des phylactères déployés sur lesquels se devinent encore des traces d'inscriptions.
Scène 3 : martyre des docteurs convertis
La scène est fragmentaire. Elle est surmontée d'une architecture faite d'un bâtiment long avec oculi et toit en bâtière. Les docteurs sont dans une immense cuve sous laquelle se trouve un feu aux multiples flammes qui lèchent ses flancs. Ils tendent leurs mains dans un geste de prière. Deux anges figurés en buste descendent du ciel et recueillent deux âmes peintes sous la forme humaine nue : elles sortent de la bouche des martyres. Un personnage debout à gauche, vêtu d'une tunique courte, semble activer le feu avec une longue perche.
Scène 4 : l'Agneau de Dieu
Les encadrements sont superposés. Dans les écoinçons libérés par le cercle sont peintes des pastilles ; deux d'entre elles sont encore apparentes. A l'intérieur de la gloire circulaire est figurée une croix légèrement pattée, ornée simplement d'un filet. L'Agneau se dirige vers la droite. Sa tête est cernée d'un nimbe crucifère. Il tient dans ses pattes antérieures le livre clos par deux minces fermoirs.
Scènes 5 et 6 : vieillards de l'Apocalypse
A gauche de l'Agneau de Dieu la scène 5 a été déposée au Musée des monuments français [en 2016 dans les réserves du musée de Montmorillon].
La scène 6, à droite, est très lacunaire.
Seul le visage de droite est encore bien visible. Un nimbe circulaire l'entoure. La tête est ceinte d'une couronne ornée de trois boules. Le visage est barbu. Le visage de droite est lacunaire : seuls apparaissent le front, les arcades sourcilières et une partie du nez. Les deux visages sont tournés l'un vers l'autre.
Les inscriptions ont été étudiées dans le Corpus des inscriptions de la France médiévale (tome I, 2).
Scène 2
Fragments d'inscriptions illisibles sur les phylactères que les docteurs païens montrent à sainte Catherine.
Scène 4
Sur la bande interne de la gloire qui entoure l'Agneau de Dieu et peinte de couleur plus claire : AGNVS DEI [QVI ?]
Il s'agit sans doute du vestige du texte de Jean, I, 29 : " Ecce Agnus Dei, ecce qui tollit peccatum mundi [...] ". Cette inscription est peinte en rehaut blanc.
Une seule campagne de peinture, avec repeints postérieurs.
Les formes sont cernées, les couleurs sont posées à l'intérieur de ces formes en à-plat ; sur ces couleurs de fond sont peints des rehauts qui signalent le modelé, puis le relief en blanc, souvent disparu.
Au cul-de-four de l'abside, le fond est fait de bandes parallèles cernées de brun. Les formes sont superposées à ce fond. Les architectures des scènes 2 et 3 sont constituées d'éléments juxtaposés.
Visages et corps
Les visages sont d'un ovale assez long et sont fortement cernés de brun. Le nez très droit est prolongé par l'arcade sourcilière du profil perdu. La bouche est signalée par un coup de pinceau brun, quelquefois doublé, les pommettes par une pastille rouge. Notons le peu de modelé aux visages de la Vierge, de l'Enfant et des saintes. Les traits bruns ont sans doute été repeints. Comme nous l'avons déjà remarqué, le visage de sainte Catherine a été totalement recouvert d'une couleur qui n'a pas tenu. Les visages des docteurs païens (scènes 2 et 3) présentent les mêmes caractéristiques formelles : nez assez longs et droits, yeux en amande, mais sur la couleur de fond ocre rose (scène 2) a été posée, pour signaler les ombres, la même couleur plus dense dont le rendu donne un dégradé. Les expressions des visages sont variées (sourcils arqués, affaissés, etc.). Des rehauts plus clairs sont passés en dégradé au-dessus des arcades sourcilières et sur les joues. Les cheveux sont peints en masses claires (blanc, ocre jaune) ou brunes sur lesquelles des traits bruns ondulés dessinent des mèches.
Les autres parties du corps (mains ou pieds) sont traitées de la même façon. La masse rose est largement cernée d'un trait continu brun. Les rehauts ont disparu. Notons que ce trait brun est, à la main de la Vierge, doublé à l'intérieur d'un trait plus clair.
Les corps des docteurs de la scène 3 sont cernés d'un trait brun ; les rehauts ont disparu.
L'Agneau de Dieu est tout aussi lacunaire dans son traitement du modelé : on discerne encore, sur la couleur de fond blanche, des coups de pinceau plus foncé généralement peints en éventail. Les formes sont cernées de brun.
Les drapés
Les couleurs passées en à-plat sont moins systématiquement cernées d'un trait brun. On discerne deux manières : d'une part, un coup de pinceau brun, fin ; signalant les volumes sans les représenter véritablement (bas de la tunique de la Vierge, saintes) ; d'autre part, un parti pris de rehauts par coups de pinceaux plus larges, représentant l'ombre, au tracé quelquefois géométrisé (manteau et voile de la Vierge, docteurs de la scène 2) ; les reflets sont alors signalés par des filets blancs, souvent disparus.
Les nimbes, de couleur unie, sont cernés de brun. Le même traitement -couleur de fond, cerne - s'observe sur les autres objets représentés : vases, siège de la Vierge, cuve des martyres.
Couleurs
Les couleurs employées sont les terres, indifféremment pour les couleurs de fond et les rehauts, ces couleurs sont encore très soutenues : ocre brun rouge, ocre rouge, ocre jaune ; le blanc en couleur de fond et en rehaut, l'ocre rose pour les visages et les chairs ; le bleu outremer foncé ou plus clair en couleur de fond et en rehaut ; le vert jade en couleur de fond et, plus dense, en rehaut ; enfin, le bistre, en rehaut et en repeint. Rappelons ici que la couleur intrigante du visage de sainte Catherine est due à une oxydation.
L'auteur ou les auteurs de cet ensemble sont inconnus.
La partie de l'église Notre-Dame où se trouve l'ensemble de peintures, dite crypte Sainte-Catherine, a été construite à la fin du 11e ou au début du 12e siècle.
On peut, à la suite d'une analyse iconographique (voir bibliographie, articles de Crozet), paléographique et stylistique, dater ces peintures de la fin du 12e siècle ou de l'extrême début de 13e siècle et non, comme le pensait Longuemar, de la fin du 13e siècle, voire du 14e siècle.
Des repeints ont été ajoutés à la fin de la période médiévale.